Un président d’une entreprise de construction coupable d’homicide involontaire

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Le 1er mars dernier, le juge Pierre Dupras, de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, a déclaré coupable M. Sylvain Fournier, président de l’entreprise S. Fournier Excavation inc., de l’infraction criminelle d’homicide involontaire suite au décès du travailleur M. Gilles Lévesque. Par rapport à ce type d’infraction, il s’agit d’une première au Québec dans un contexte de santé et sécurité au travail. M. Fournier s’expose à une peine d’emprisonnement. 

Ce jugement envoie un message clair aux employeurs et à leurs représentants. Ceux-ci ont intérêt à adopter une culture de diligence en santé et sécurité au travail. À défaut, en cas de décès ou de blessures corporelles graves à un travailleur, des personnes tels des administrateurs, dirigeants ou contremaîtres, s’exposent à des infractions criminelles, soit celle d’homicide involontaire coupable et de négligence criminelle. De plus, ces personnes peuvent se voir infliger une peine d’emprisonnement pour avoir manqué à leurs obligations légales. Pour des fins de compréhension, examinons les faits de cette affaire.

Le 3 avril 2012, M. Sylvain Fournier, président de l’entreprise, et son travailleur M. Gilles Lévesque, vont au 895, 54e Avenue, à Lachine, afin de remplacer une conduite d’égout. Pour ce faire, une excavation est effectuée. Toutefois, la preuve au procès révèle que les parois de l’excavation sont à 90 degrés et que des déblais de matériaux se situent à proximité de l’excavation. De plus, celle-ci n’est pas étançonnée et elle est constituée de terre ayant une profondeur de 8 pieds et une largeur de 42 pouces. Soudain, survient un effondrement des parois alors que MM. Fournier et Lévesque se trouvent dans l’excavation. M. Gilles Lévesque est enseveli et malheureusement, décède. M. Sylvain Fournier est, quant à lui, enseveli partiellement et subit des fractures aux jambes. Par ailleurs, la preuve démontre également que les prescriptions du Code de sécurité pour les travaux de construction (ci-après Code de sécurité, art. 3.15.3 (1) et (2), 3.15.3 (5) a)) n’ont pas été respectées, en ce que les parois de l’excavation n’ont pas été étançonnées solidement, les pentes n’étaient pas inférieures à 45 degrés à partir de 1,2 mètre du fond et les matériaux n’ont pas été déposés à plus de 1,2 mètre du sommet des parois.

Au terme du procès, le juge Dupras conclut que la conduite de M. Fournier constitue un acte illégal, car il a contrevenu aux prescriptions du Code de sécurité en ne s’assurant pas que les parois soient étançonnées solidement et que les déblais de matériaux soient situés à plus de 1,2 mètre de l’excavation. Selon le juge, l’acte illégal est dangereux et celui-ci a causé la mort de M. Lévesque. De plus, il ajoute que le comportement de M. Fournier représente un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. M. Fournier est donc reconnu coupable du chef d’accusation d’homicide involontaire.

Pour ce qui est du chef d’accusation de négligence criminelle, le tribunal conclut que les critères ont été rencontrés. M. Fournier a omis d’accomplir son devoir légal, soit celui de suivre les prescriptions du Code de sécurité. Considérant la nature de l’omission et de ses conséquences, M. Fournier a fait preuve d’insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie de M. Lévesque. Une personne raisonnablement prudente aurait prévu que le comportement de M. Fournier représentait un risque grave pour la vie ou la sécurité d’autrui. Toutefois, afin d’éviter une double condamnation vu le jugement de culpabilité rendu en lien avec l’accusation d’homicide involontaire, le tribunal prononce un arrêt des procédures sur le chef d’accusation de négligence criminelle.

Malgré cet évènement tragique, il est possible pour les employeurs, administrateurs, dirigeants et contremaîtres d’éviter des poursuites criminelles qui pourraient, ultimement, entraîner une peine d’emprisonnement. La meilleure façon de le faire, c’est d’être diligent au quotidien en s’assurant que les devoirs reliés à la diligence raisonnable soient respectés. Il s’agit des devoirs de prévoyance, d’efficacité et d’autorité. Par l’exercice de ces devoirs, on met en application les prescriptions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et celles du Code de sécurité afin de s’assurer que les équipements, les techniques et les méthodes de travail puissent être utilisés d’une manière sécuritaire pour éliminer à la source les dangers à l’égard des travailleurs. De plus, on doit s’assurer que les règles de sécurité soient respectées par tous et, à défaut, des sanctions disciplinaires doivent être imposées envers les contrevenants. En agissant de la sorte, on peut éviter des accidents de travail sur les chantiers et un passage obligé devant les tribunaux.

Enfin, pour bien saisir la portée des obligations prévues au Code de sécurité, nous invitons les employeurs à contacter le service de prévention de l’APCHQ afin d’en obtenir une copie.

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