Jusqu’où va le droit de conseil et celui d’obligation de renseignement de l’entrepreneur qui constate des déficiences à un ouvrage de construction?
Si l’entrepreneur ne fournit ni les matériaux ni la main-d’œuvre, peut-il être responsable d’un vice qu’il n’a pas créé par l’installation de matériaux impropres ou par des travaux déficients qu’il n’a ni exécutés ni surveillés?
Obligation de conseil
Du lambris en planches de pin avait été installé au pourtour d’un foyer par le propriétaire avant que l’entrepreneur vienne terminer la pose d’un plancher situé au premier étage. L’entrepreneur pouvait facilement voir le foyer et le lambris de bois et constater que cette installation est déficiente. Son obligation de conseil découlant du fait qu’il doit agir dans le meilleur intérêt de son client (Art. 2100 du Code civil du Québec) oblige-t-il ce dernier à indiquer au propriétaire des lieux que l’installation du lambris est déficiente et ne respecte pas les règles de l’art et de sécurité?
Rappelons que le devoir d’information est reconnu au Code civil du Québec (article 2102).
Dans une affaire récente, un propriétaire a recherché la responsabilité d’un entrepreneur devant la Cour supérieure en prétendant que celui-ci aurait dû l’informer que le lambris de planches de pin autour de la façade du foyer n’était pas conforme.
Décision
Le Tribunal a écarté cette demande en prétendant tout d’abord que le travail n’avait pas été exécuté par l’entrepreneur et que cette responsabilité serait un fardeau trop considérable et difficile à circonscrire si on exigeait que l’entrepreneur assume la responsabilité de travaux pour lesquels il n’a pas été rémunéré, ou de matériaux qu’il n’a pas fournis.
Plus encore, la Cour s’est basée sur l’article 2104 du Code civil, lequel prescrit que lorsque les biens sont fournis par le client et qu’ils sont manifestement impropres à être utilisés, l’entrepreneur est tenu d’en informer immédiatement le client, pour conclure que dans les présentes circonstances, comme l’entrepreneur n’avait pas installé le lambris de bois, il n’avait donc pas l’obligation d’information et de conseil en regard des risques et des déficiences que constituaient la pose et l’utilisation d’un tel lambris au pourtour du foyer.
En conclusion, l’entrepreneur n’ayant pas usé de ce bien (lambris de planches de pin), sa responsabilité contractuelle basée sur son devoir de conseil et d’information a été écartée par la Cour.
Distinction
Il est important de préciser que si l’entrepreneur avait eu à exécuter des travaux sur l’ouvrage déficient, la décision de la Cour aurait été, nous le croyons, tout autre et il est probable qu’alors son devoir de conseil et d’information aurait été tel qu’il aurait dû refuser d’effectuer ses travaux sur l’ouvrage déficient.